Jean-François G, un ingénieur biochimiste de 33 ans, était poursuivi pour avoir empoisonné son meilleur ami au thallium. Il écope d’une peine sévère en raison du caractère particulièrement cruel de ses actes et de l’acharnement dont il a fait preuve. Sa victime a subi d’atroces suffrances et est aujourd’hui polyhandicapée.
Le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné mercredi Jean-François G. à une peine de 18 ans de réclusion. Il a également ordonné son arrestation immédiate. Le biochimiste de 33 ans était poursuivi pour avoir administré du thallium à son meilleur ami, Gaël B. La période durant laquelle le poison mortel a été administré s’étend sur plusieurs mois, entre août 2021 et juin 2022, date de son inculpation.
Le thallium avait dans un premier temps été injecté dans un flacon de savon liquide. Gaël B. avait ressenti les premiers symptômes en août 2021: problèmes gastriques aigus, troubles nerveux, paralysies des membres,… À son arrivée à l’hôpital, il n’était plus capable de parler, de déglutir, ni de respirer correctement. Au bout de quelques semaines de prise en charge médicale, l’état de Gaël B. s’était amélioré, si bien qu’il pouvait recevoir des visiteurs dans sa chambre d’hôpital. Jean-François G. n’avait pas tardé à se manifester. Aux petits soins pour son ami malade, il lui apportait des boissons et de la nourriture et le questionnait régulièrement sur l’évolution de son état de santé, sur ses douleurs. Très vite, les symptômes étaient réapparus. Gaël B. allait de plus en plus mal, sans que les médecins puissent en expliquer la raison. Des analyses médicales plus poussées avaient fini par mettre en évidence la présence de thallium dans l’organisme du jeune homme.
De quoi tuer 100.000 rats
Les soupçons s’étaient très vite portés sur cet ami si bienveillant qui lui apportait tant de bonnes choses. Auditionné en juin 2022 et inculpé pour tentative d’assassinat, Jean-François G. a toujours nié les faits. Une perquisition menée dans un chalet appartenant à sa famille et qu’il occupait régulièrement avait permis de découvrir une importante quantité de poison, notamment un pot de 600 grammes de thallium dont il manquait à peu près la moitié. Le prévenu avait alors expliqué qu’il s’était procuré la substance toxique pour mettre fin à la présence de nuisibles dans le chalet. Mais celui-ci disposait d’une quantité suffisante pour éradiquer près de 100.000 rats ou 60 humains.
L’enquête a par la suite démontré que l’ingénieur avait mené de nombreuses recherches sur les propriétés du thallium et sur ses effets toxiques et irréversibles. Et qu’il avait supprimé de nombreux fichiers en lien avec ces recherches.
A l’audience, Jean-François G., représenté par Me Carine Couquelet et Me Clémence Purnelle, avait défendu l’hypothèse selon laquelle son ami s’était lui-même empoisonné, intentionnellement ou accidentellement, lors d’une de ses visites au chalet. Il avait également laissé entendre que les parents de Gaël B. pourraient avoir empoisonné leur propre fils. Deux hypothèses qu’aucun élément de l’enquête n’est venu corroborer. Concernant les périodes durant lesquelles le poison avait été administré, avant et pendant l’hospitalisation de la victime, le prévenu avait avancé des arguments techniques prouvant, selon lui, qu’il ne pouvait être responsable de la rechute de son ami. Que le timing n’était pas bon. Des explications partiellement balayées par les expertises toxicologiques.
Relation malsaine
Lors de la lecture du jugement, le président du tribunal correctionnel a souligné que le mobile de l’empoisonnement restait flou mais qu’il était apparu au cours de l’enquête que la relation entre les deux amis «n’était pas saine». Que Jean-François G. exerçait sur son ami «une emprise dominatrice», qu’il «le rabaissait». Il a rappelé que lors d’un échange par message avec un autre ami, lorsqu’il était étudiant, l’ingénieur biochimiste semblait fantasmer sur le sentiment que procurerait le fait «de tuer quelqu’un sans aucune raison, de faire ce que tu veux», et que cela «vaut bien une vie en prison».
Rappelant que la substance hautement toxique employée est de nature à «donner la mort de manière plus ou moins prompte», le président a estimé qu’il ne subsistait aucun doute sur l’intention d’homicide. L’auteur des faits, formule-t-il dans un jugement de 128 pages, a fait preuve «d’une cruauté indicible pour arriver à ses fins». Cruauté qui justifie la sévérité de peine infligée. À l’audience, en octobre 2024, le ministère public avait requis vingt ans de réclusion à l’encontre de Jean-François G., ainsi qu’une mise à disposition du tribunal d’application des peines (TAP) pour une durée de dix ans. Mais l’absence de casier judiciaire du prévenu et de troubles mentaux ont fait pencher la balance en sa faveur pour ce qui est de cette dernière mesure.