Nous ne vieillissons pas tous au même rythme. Chez certains, c’est le cœur qui vieillit plus rapidement, chez d’autres, le système immunitaire. Il n’existe donc pas de solution unique contre les années qui passent. La clé, c’est d’apprendre à l’accepter.
Lorsqu’on se projette dans le futur, un phénomène curieux se produit. En effet, ce ne sont pas les zones cérébrales impliquées dans notre perception de nous-même aujourd’hui qui sont mobilisées, plutôt celles qui entrent en activité – notamment – quand on voit des célébrités à la télé.
Notre cerveau nous envoie des images de nous comme si nous étions quelqu’un d’autre, étranger à celui ou celle que nous sommes. Cela pourrait s’expliquer par le fait que, pendant la majeure partie de l’histoire de l’humanité, nous avons vécu nettement moins longtemps qu’actuellement et que nous devions principalement nous concentrer sur notre survie. Rêver à une vieillesse digne n’était pas une option.
A l’échelle de l’évolution, le luxe de pouvoir s’asseoir et méditer sur son sort est très récent.
Nous voyons trop souvent le vieillissement comme quelque chose de négatif, alors qu’il est bénéfique pour notre mental.
Se préparer à vieillir
Pourtant, il serait utile de nous connecter régulièrement à notre apparence et à ce que nous serons dans l’avenir. Selon une étude parue dans New Scientist, cela pourrait aider à vieillir dignement. Prendre de l’âge est inévitable ; autant s’y préparer. Beaucoup parmi ceux qui repoussent cette échéance se retrouvent d’ailleurs désemparés quand arrive le moment du départ à la retraite.
Dans de nombreuses régions du monde, l’espérance de vie a doublé au cours des 150 dernières années, passant d’environ 40 ans à plus de 80 ans. Revers de la médaille, la période de l’existence où l’on est en moins bonne santé a, elle aussi, augmenté: environ 19 ans pour les femmes et seize ans pour les hommes, qui, en moyenne, meurent un peu plus jeunes. Il est dès lors crucial de maîtriser le plus longtemps et le mieux possible les aspects négatifs du vieillissement.
Une nouvelle approche
Ces dernières années, un changement radical de paradigme s’est opéré: au lieu de se centrer sur la lutte contre les maladies et autres inconforts, on s’intéresse davantage à la manière de rester tant que faire se peut en bonne santé.
Certes, nous allons chez le médecin quand nous ne nous sentons pas bien, et suivons le traitement pour aller mieux. Cependant, il est désormais évident que mettre des mécanismes en place pour éviter de tomber malade est devenu la priorité. Ce qui pourrait s’apparenter à un truisme constitue en réalité une différence fondamentale.
Les vieux et le jeûne
La revue Nature a récemment mis en lumière de nouvelles approches scientifiques de l’âge, à la suite de la découverte chez les nématodes (de minuscules vers, invisibles à l’œil nu), puis chez les souris, de gènes influençant leur espérance de vie ; dans certains cas, une mutation peut la doubler.
Les humains possèdent des gènes similaires, qui semblent, eux aussi, exercer un rôle positif sur leur longévité. Manger moins, et en particulier jeûner régulièrement, pourrait booster leur efficacité. Mais comme suivre un régime à long terme n’est pas évident, la recherche se penche activement sur l’élaboration de médicaments susceptibles de produire des effets similaires.
Des artifices
Il s’agit là d’une suite logique de l’approche traditionnelle du vieillissement, visant à prolonger la vie, tout en la maintenant agréable, par le biais d’artifices. Pourquoi courir une heure par jour si une pilule peut apporter un bénéfice identique?
Heureusement, on l’a dit, bon nombre de chercheurs s’inscrivent dans une autre démarche, consistant à prêter davantage attention aux facteurs liés au mode de vie, comme l’alimentation et l’exercice, sans intervention médicale. La prévention est devenue le mot à la mode, à juste titre.
Résistance
On relève des différences individuelles importantes dans la manière de vieillir, dues, entre autres, à des facteurs génétiques. Une étude récente publiée dans Nature Communications montre que la résilience du système immunitaire face aux défis quotidiens détermine en grande partie l’espérance de vie.
Un lien a ainsi pu être établi entre les caractéristiques individuelles des lymphocytes T cytotoxiques (CTL) – des cellules «tueuses» essentielles dans la réponse immunitaire contre les virus et les cancers – et la résistance d’un individu. Ceux qui présentent une meilleure résistance sont ainsi davantage à même de combattre la grippe, par exemple, et leurs blessures guérissent plus rapidement. En moyenne, ils vivent également plus longtemps.
Les vieux chanceux
En général, les femmes présentent une meilleure résistance que les hommes, mais quel que soit le genre, la résilience diminue inévitablement avec l’âge. Pourtant, une petite fraction des nonagénaires conserve un meilleur système immunitaire que celui de jeunes adultes.
S’ils sont en bonne santé, c’est avant tout parce que leur organisme demeure apte à intervenir efficacement dès que les difficultés se profilent à l’horizon, sans attendre que leur état se gâte. Ce sont les chanceux de la génétique…
Il n’est pas toujours judicieux de se torturer mentalement pour s’imposer un exercice physique auquel le mental se refuse.
Un corps, 78 organes
Partant du constat que nous ne sommes pas égaux face aux effets de l’âge, Nature Medicine a récemment publié un aperçu de ce que la science appelle les âgéotypes, soit les profils principaux de vieillissement: métabolique, immunitaire, hépatique et néphrotique. Les 78 organes que compte notre corps n’évoluent en effet pas de façon identique, ni au même rythme – on peut, par exemple, avoir des reins «âgés», mais un foie relativement «jeune».
A ces quatre grands âgéotypes en ont ensuite été ajoutés d’autres, comme le système cardiovasculaire ou la flore intestinale. On fait couramment référence à neuf catégories mais on suppose qu’il n’y en pas plus de vingt, car certains organes vieillissent de manière coordonnée, surtout parce qu’ils peuvent se dégrader mutuellement, par effet de débordement.
Des poumons fatigués accéléreront le vieillissement cardiaque, qui à son tour pourra déclencher une dégénérescence musculaire. Comme on peut s’en douter, l’organe qui vieillit le plus rapidement déterminera en grande partie les maladies liées à l’âge dont une personne sera atteinte.
Chez celles qui présentent des problèmes néphrétiques, les reins peuvent être jusqu’à onze ans plus «vieux» que leur âge officiel, tandis que chez les personnes souffrant de démence, ce sera le cerveau.
Vieillissements chronologique et biologique
La revue Cell a recensé une série de moyens permettant de détecter et comparer les mécanismes à l’œuvre dans la dégénérescence des organes. Cela inclut l’identification de caractéristiques épigénétiques sur l’ADN: des substances chimiques qui définissent quels gènes sont transcrits en protéines et à quel moment. Elles peuvent également faire office de signal d’alarme annonçant un vieillissement.
Il est aussi intéressant d’analyser quelles protéines fabrique un corps, et en quelle quantité. Sur cinq mille protéines étudiées en détail, environ 850 sont sécrétées par un seul organe.
Des algorithmes sophistiqués permettent d’établir une corrélation entre la composition protéique spécifique d’un organe et la vitesse à laquelle évolue le vieillissement. Ils offrent une base pour distinguer vieillissements chronologique (l’âge réel) et biologique (la rapidité du déclin, y compris des organes séparés).
Insuffisance cardiaque
Une analyse de l’évolution de onze organes importants chez plus de cinq mille personnes, parue dans Nature, démontre que les changements, mesurés en fonction de la composition protéique dans le corps, ne sont pas uniformes. Ils varient considérablement d’un individu à l’autre, y compris à âge égal.
Dans un corps, un organe peut également vieillir de façon significativement plus rapide que tous les autres – ce qui a été constaté dans un cas étudié sur cinq. Ce seul fait indiquait une prédisposition accrue aux problèmes de santé et une durée de vie plus courte. Il est frappant de constater, par exemple, que les 2% du panel présentant un cœur vieillissant plus rapidement avaient un risque 250% plus élevé de souffrir d’insuffisance cardiaque qu’un individu «normal» du même âge.
Un bilan sur mesure
La conclusion fondamentale de tous ces travaux est que le vieillissement présente tellement de variations individuelles qu’on ne peut envisager une solution unique pour le combattre. Cette prise de conscience souligne une fois de plus l’importance de la médecine individualisée: beaucoup de gens tombent malades de manière spécifique et méritent un traitement adapté pour remédier à leurs problèmes.
Si plus d’attention est accordée à la prévention, un bilan sur mesure et une adaptation éventuelle du mode de vie doivent également être envisagés pour rester en forme le plus longtemps possible.
Détecter les aspects spécifiques du vieillissement
Cela implique de réfléchir hors du cadre. Certains peuvent parfaitement présenter un léger surpoids sans que cela menace leur santé. D’autres risquent de se faire plus de mal que de bien en pratiquant intensément un sport – s’ils ont un cœur un peu fragile, par exemple.
Il n’est pas toujours judicieux non plus de se torturer mentalement pour s’imposer un exercice physique auquel le mental se refuse. Ecouter son corps ne peut jamais faire de mal. Et bientôt, on pourrait trouver sur le marché des autotests fournissant assez facilement un aperçu fiable des aspects spécifiques du vieillissement de son organisme. Ce qui permettrait d’agir en conséquence.
Une image positive
Entre-temps, les gérontologues soulignent l’importance d’une approche positive du processus de vieillissement. Puisqu’on ne peut y échapper, autant s’en accommoder. Se faire une image positive de sa future vie de «senior» peut être bénéfique, et ne doit bien entendu pas être synonyme de misère et de désolation.
Beaucoup de gens trouvent la vie plus légère, sur le plan mental, une fois la retraite atteinte car les soucis liés à l’éducation des enfants, au travail ou aux remboursements d’emprunts sont derrière soi. En prenant de l’âge, bon nombre de personnes sont moins sujettes à la dépression qu’elles ne l’étaient dans leur jeunesse.
Emotionnellement plus stables
Par ailleurs, il est inutile de se battre obstinément contre des maux inévitables. «Nous voyons trop souvent le vieillissement comme quelque chose de négatif, alors qu’il est en fait bénéfique pour notre bien-être mental», déclarait le professeur Mathieu Vandenbulcke dans le magazine Sonar.
«Les seniors se concentrent davantage sur les aspects positifs de la vie et sont émotionnellement plus stables, détaillait le psychiatre et professeur au département de neurosciences de la KU Leuven. Beaucoup rencontrent des problèmes de santé. Résister n’a pas de sens. Ceux qui parviennent à lâcher prise et à adapter leurs attentes à ce qui est possible sont souvent plus heureux.»