Les constructeurs automobiles ne peuvent plus entrevoir l’aménagement des habitacles de leurs voitures sans chasser le CO2. Le cuir étant un générateur de dioxyde de carbone, en plus de soulever les problèmes liés à la cause animale, il n’a plus bonne presse. Mais le secteur réagit et rappelle, au contraire, que l’on a enterré un peu vite ses avantages.
En matière de voitures, l’argumentaire écolo ne se limite pas aux rejets nocifs des moteurs. Les constructeurs automobiles ne nient plus l’impact environnemental de la réalisation des matériaux qui habillent les intérieurs. Les plastiques et tissus, certes, mais aussi le cuir d’origine animale, qui depuis quelques années est de plus en plus pointé du doigt et banni, au profit de matières synthétiques et/ou naturelles éco-positives. C’est aussi lié aux sensibilités qui concerne les mauvais traitement faits aux animaux.
Le pouvoir du marketing
Des marques de renom comme BMW ou Mercedes l’ont déjà déclaré : « Il ne s’agit plus d’une matière responsable et durable ». Dans leur nouveau jargon, les constructeurs intègrent des mots-clés très marketing, comme le « cuir vegan »… plus sexy que « simili-cuir ». Le principe de ces cuirs vegan est d’intégrer dans leur composition une quantité de plantes ou de végétaux. Ainsi bambou, champignons, ananas, cactus, olives, certaines algues… se retrouvent dans les nouveaux sièges et garnitures de portes ou de tableaux de bord des voitures. L’illusion est souvent parfaite. Le plus important n’est-il justement pas que notre cerveau assimile ces matières à du vrai cuir?
Cette tendance des voitures « sans-cuir » a commencé avec les véhicules électriques. Logique, à quoi bon parler de la qualité zéro émission de leur moteur si la conception d’un vrai cuir rejette encore du CO2… Sans entrer dans les détails techniques, il est admis qu’un mètre-carré de cuir génère (dans le meilleur cas) 8 kilos de CO2 rejetés dans l’air, contre un peu plus de la moitié pour certains de ces nouveaux éco-cuirs. Après les électriques, le désintérêt pour le cuir animal percole dans le milieu des automobiles thermiques. Cela dit, les marques premium et de luxe proposent encore, dans leur catalogue d’options, de la peau animale.
One4LEather
Adieu, cuir ? Ce n’est évidemment pas l’avis de tous, à commencer par les acteurs de l’industrie du cuir automobile. Et par exemple One4Leather, un collectif de fabricants et de fournisseurs actifs dans la chaîne d’approvisionnement du cuir automobile, qui s’est donné pour mission de dissiper les mythes et rumeurs concernant l’approvisionnement, la production et l’utilisation du cuir dans les intérieurs automobiles. Ils espèrent raviver l’appréciation du cuir en tant que matériau renouvelable de valeur et choix privilégié en apportant un autre point de vue, mais surtout en précisant quelques faits avérés et intéressants.
Le cuir n’a plus bonne presse parce qu’il est inévitablement lié à l’exploitation animale. Pour des raisons souvent mal éclairées, on compare généralement son emploi à celui de la fourrure animale dans le monde de la mode. Cela dit et avant toute chose, la différence fondamentale est qu’aucun bovin n’est directement élevé et tué pour faire du cuir de voiture. En outre, il ne s’agit que de cuir de bovins. Aucun constructeur n’alimente la filière des cuirs exotiques (comme c’est encore le cas dans la mode). En d’autres mots, aucune marque ne proposera un cuir d’alligator ou une peau de mammifère protégé dans son habitacle. Concernant les cuirs les plus nobles des grandes marques de luxe, les cheptels sont même traités avec un soin très poussé (nourriture, stress, soin, respect) afin de produire les peaux les plus souples et qualitatives. Le cuir tel qu’utilisé par la majorité des constructeurs automobiles est un sous-produit de l’industrie alimentaire, et de la viande en particulier. Si les cuirs de bovin n’étaient pas utilisées pour décorer les autos, ils iraient à la décharge et émettraient du méthane. Il serait donc judicieux de quantifier et soustraire du bilan carbone leur non-incinération. Le collectif One4Leather aime rappeler que dans son dernier rapport, le WWF (World Wild Life Fundation) souligne l’importance du secteur du cuir pour aider à lutter contre la déforestation.
Le cuir est 100% recyclable
Le cuir peut donc être considéré comme le matériau recyclé et recyclable par excellence, en premier lieu car il dure des décennies, il suffit de s’intéresser au monde de la voiture de collection pour constater la durabilité des intérieurs en vraie peau. Il s’entretient facilement et peut être réparé. En fin de vie, le cuir animal d’une voiture est recyclé pour devenir du compost ou du fumier qui nourrit les champs, qui ensuite nourrissent les vaches, etc… C’est le principe de l’économie circulaire. Ce qui est tout le contraire de l’alternative vegan qui s’abîme plus vite, ne se répare pas facilement et, en fin de vie, devient simplement un déchet, bref: le « faux » alimente une économie linéaire.
Toujours selon One4Leather, le cuir vegan trompe l’opinion publique. Derrière cette appelation apaisante, la plupart des matériaux de substitution contiennent encore plus de 80 % de plastique. Il existe donc un coût environnemental de l’extraction pétrochimique de ces plastiques qu’ils contiennent. Le reste, en effet, sont des plantes ou des végétaux. En outre, le recyclage de ces matériaux composites est difficile et actuellement très coûteux. Il est donc préférable (économiquement) de les envoyer à la décharger en fin de vie, pour être incinéré.
Enfin, nombre de consommateurs, à partir d’un certain niveau de prix, préfèrent le cuir animal, et c’est notamment le cas des Chinois. Un marché locomotive qui pourrait amener à reconsidérer la tendance du vegan. Cela dit, des efforts restent à mener dans le traitement (teintures, quantité) pour laisser apprécier la touche incomparable que la peau apporte à l’intérieur des automobiles. Un dernier exemple d’évolution dans ce domaine: il est aujourd’hui possible de teindre du cuir avec des écorces de fèves de cacao issues de plantations certifiées « bio ». Dans l’avenir, l’important sera plus que jamais la traçabilité du cuir, et s’assurer ainsi du respect animal et environnemental qui précède l’application d’un cuir sur des sièges de voitures.