lundi, mai 20

L’évolution démographique d’une commune est soumise a de nombreux facteurs, qui influencent plus ou moins fortement le mouvement de la population. Si la toute grande majorité des communes ont connu un accroissement ces dernières années, certaines ont perdu des habitants. Pourquoi ? Tentative de réponse.

La Belgique gagne des habitants au fil des ans. La barre des 11,75 millions d’âmes était pratiquement franchie au 1er janvier 2024, soit 70.000 de plus que l’an dernier. Mais la distribution de cette hausse est loin d’être identique sur l’entièreté du territoire.

Entre 2011 et 2021, la population a ainsi augmenté dans une grande majorité (531) des communes belges, diminué dans 45 autres et elle enregistre une relative stabilité dans la poignée restante, avec des variations minimes. Ces chiffres apparaissent dans le dernier census de Statbel, l’office belge de la statistique, qui compile de riches informations sur la population du pays.

Ces données de recensement, récoltées tous les dix ans, renseignent que la Région de Bruxelles-Capitale a connu la plus forte hausse, avec une augmentation de 9% de sa population, contre respectivement 5,5% et 3,5% pour la Région flamande et la Région wallonne.

Suite de l’article en-dessous de l’infographie.

L’âge, facteur déterminant

Si l’arrivée ou le départ de quelques dizaines de personnes aura peu d’incidence sur les communes de moyenne et grande taille, les plus petites voient chaque mouvement de façon amplifiée. C’est le cas de Vresse-sur-Semois et ses 2.500 habitants. Elle enregistre la plus forte chute du dernier census, -8,5%, en ayant perdu 237 résidents depuis 2011. Un petit nombre absolu, mais important proportionnellement.

Arnaud Allard, bourgmestre de cette commune du fin fond de la province namuroise, voit une première raison pour expliquer ce chiffre. «Vresse, comme d’autres, est une commune à la population vieillissante. Les décès y ont donc un plus grand impact qu’ailleurs et le renouvellement naturel de la population y est plus faible.»

Avec une moyenne d’âge de 48,5 ans, Vresse-sur-Semois fait effectivement partie des plus âgés de Belgique, où la moyenne d’âge globale est de 42 ans. La part des 65 ans et plus y est importante.

«À cela s’ajoute le fait que lorsqu’un ancien décède, son bien immobilier est parfois racheté par des personnes extérieures à la commune, qui en font une seconde résidence ou un gîte. Cela concerne pratiquement un bien habitable sur deux, ici», explique celui qui fût le plus jeune bourgmestre de Wallonie, élu à seulement 27 ans. Moins d’habitations disponibles, moins d’habitants. Logique imparable.

La commune peine aussi à garder et à attirer les plus jeunes. «Certains trouvent parfois que choisir la ruralité, c’est être loin de tout. Mais en Belgique, qu’est-ce qui est vraiment loin ? En une heure et demie, je suis aux portes de Bruxelles», explique-t-il encore. «Il faut choisir la ruralité plutôt que la subir, les petites communes offrent un cadre plus agréable, une meilleure qualité de vie et l’immobilier coûte moins cher que dans les grosses villes.»

Ces autres communes frontalières qui se vident

Commune frontalière avec la France, Vresse-sur-Semois ne voit pas ses habitants s’exiler outre-Quiévrain. «Il y a d’autres échanges avec nos voisins, par exemple économique, mais les habitants ne choisissent pas de s’installer là-bas», affirme Arnaud Allard.

Commune parmi les moins densément peuplée de Belgique (elle n’est devancée que par Daverdisse), Vresse-sur-Semois n’est pas un cas unique à la frontière franco-belge. D’autres se sont dépeuplées ces dernières années et pas seulement parmi les plus petites communes. Tournai, Boussu, Dour, Chimay, ou de l’autre côté de la frontière linguistique, Ypres et Poperinge présentent aussi ce mouvement à la baisse au niveau de la population.

«Si la population baisse, il faut regarder deux critères: le solde naturel, la différence entre les décès et les naissances, et le solde migratoire, sorties et entrées, de ces communes», explique Thierry Eggerickx, directeur de recherche au FNRS et professeur de démographie à l’UCLouvain. «Les chiffres montrent clairement dans l’ensemble de ces communes un solde naturel négatif, donc un surplus de décès. Le cas se présente aussi par endroits à la Côte belge, avec une population âgée qui s’y installe, moins de personne en âge d’avoir des enfants, donc un « survieillissement » accentué.»

Les chiffres de ces communes frontalières montrent un surplus de décès. Le cas se présente aussi par endroits à la Côte belge, avec un “survieillissement” accentué.

Thierry Eggerickx, directeur de recherche au FNRS et professeur de démographie à l’UCLouvain

L’analyse du solde migratoire est plus variable. «Dans plusieurs de ces communes frontalières, où la population baisse, la tendance est négative sur ce point aussi, mais principalement au niveau de la migration interne, donc intra-belge. Les gens s’en vont ailleurs mais restent en Belgique», détaille le démographe. «En revanche, le mouvement migratoire international est plutôt positif pour une majorité de ces communes. Une hypothèse serait justement que des frontaliers choisissent de s’installer en Belgique. Sans ce mouvement entrant, le déclin de la population serait encore plus significatif.»

La période choisie, s’étalant jusqu’en 2021, soit après les deux premières vagues de Covid en Belgique, offre une nouvelle hypothèse. «Une étude que nous avons menée confirme que certaines communes frontalières ont été des points sensibles durant la pandémie, avec une surmortalité caractérisée. Cependant, les raisons exactes restent difficiles à pointer», nuance le chercheur.

De l’autre côté du spectre, c’est à Léglise, commune la plus jeune de Wallonie, avec un âge moyenne de 36 ans, que la population a cru le plus fort proportionnellement. En dix ans, la commune est passée de 4.700 à 5.700 habitants, soit une hausse de 19%.

Elle offre un visage très différent de Vresse-sur-Semois. Les deux soldes, naturel et migratoire, de cette commune luxembourgeoise sont positifs depuis plusieurs années. La croissance de la population provient donc à la fois des naissances et de l’immigration. Deux moteurs qui ont propulsé cette petite commune en haut du classement des plus fortes hausses d’habitants.

Selon les perspectives du Bureau fédéral du Plan dévoilées en ce début d’année, la population wallonne devrait continuer de croître dans son ensemble, pour atteindre 3,75 millions d’habitants en 2071, soit une hausse de 2% par rapport à 2023. Une croissance qui sera probablement très différente d’une commune à l’autre, comme les chiffres actuels le démontrent.

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