Les deux fusillades sur fond de narcotrafic à Anderlecht constituent le premier test pour l’Arizona et son ministre de l’Intérieur, Bernard Quintin (MR). Les acteurs de la sécurité à Bruxelles font le point sur le premier dossier chaud du gouvernement.
Arizona jour 2, épreuve 1. Dans une nuit blanche passée à la Chambre où les partis de l’opposition tiraient à boulets rouges sur la déclaration de politique générale prononcée par le Premier Ministre, Bart De Wever (N-VA), le nouveau ministre de l’Intérieur, Bernard Quintin (MR) est extirpé de son banc pour rejoindre Anderlecht, où ce n’étaient plus les critiques mais les balles qui fusaient. Au petit matin, deux hommes encagoulés ont surgi de la station de métro Clémenceau et ont ouvert le feu dans l’espace public sans pour autant faire de blessé. Selon les premières observations, il s’agirait d’une tentative d’intimidation pour reprendre ce point de deal important de la capitale. Un réplique a d’ailleurs eu lieu ce mercredi matin, faisant un blessé collatéral.
La sécurité était l’un des thèmes de campagne des partis de l’Arizona et, particulièrement, de ceux du Premier Ministre et du ministre de l’Intérieur. Bruxellois de surcroît, Bernard Quintin s’est donc saisi de l’affaire et a rencontré le bourgmestre d’Anderlecht, Fabrice Cumps (PS) et le procureur du roi de Bruxelles, Julien Moinil, dans le bureau du socialiste (et non dans le poste de commandement, séparation des pouvoirs oblige). Le procureur du roi a considéré comme «encourageant» le fait que le ministre montre «de la sensibilité» par rapport à l’événement. «C’est une très bonne chose que toutes les composantes se soient retrouvées dans le bureau du bourgmestre (…). Mais ça ira encore mieux quand les moyens et les forces seront orientées là où ce sera nécessaire», juge quant à lui le cabinet du bourgmestre.
L’appui de la police fédérale porte ses fruits
Justement, ces moyens, quels sont-ils ? Et que prévoit concrètement l’Arizona pour la sécurité dans les grandes villes belges ? A Bruxelles, la fusion des zones de police est annoncée mais le processus de réforme, s’il vient à son terme, n’aboutira pas de suite. En attendant, la clé KUL (organisant les subventions pour les zones de police locales, et vivement critiquées par les autorités bruxelloises qui s’estiment lésées dans le calcul) doit être réformée. Le nouvel exécutif annonce un financement «plus élevé, plus flexible et plus transparent des zones de police locale», sans en dire vraiment plus. Conseillère de police d’Anderlecht pendant douze ans, Sofia Bennani (Les Engagés) salue cet objectif, mais appelle à une meilleure coordination entre les polices locale et fédérale. «On est dans une course où les délinquants courent plus vite que nous. La politique des hotspots du gouvernement bruxellois sortant n’a fait que déplacer le problème. Et il suffit que les policiers tournent le dos pour que les dealers reviennent en quinze minutes.»
A Anderlecht, par exemple, voilà un peu plus de trois mois que la police fédérale est venue appuyer la zone Midi au quotidien dans les rues. Bilan : une diminution d’environ 4,7% de la criminalité et de 17% des appels aux services de police. Dans les quartiers plus «chauds», comme la gare du Midi ou le quartier Saint-Antoine, les appels ont respectivement baissé de 17 et 47%. La mission est donc reconduite jusqu’en mars.
Pour lutter contre la drogue, l’Arizona relancera le plan canal
Dans l’accord du gouvernement Arizona, pourtant, rien ne mentionne clairement l’augmentation de policiers dans les rues. L’objectif d’avoir plus de policiers disponibles est annoncé, certes, en réduisant la période de formation ou en rendant les postes difficiles plus attractifs, par exemple, mais l’idée est plus de renouveler le plan canal – celui mis en place à Bruxelles suite aux attentats de Paris. «Ce nouveau plan prévoira notamment un renforcement accru des zones de police locale concernées afin d’assurer un suivi rapproché des individus radicalisés et de lutter vigoureusement contre les phénomènes criminels sous-jacents tels que le trafic d’armes et d’êtres humains, le trafic de drogue, l’économie illégale, etc, lit on page 142 de l’accord publié ce week-end. Les villes faisant face à des difficultés similaires pourront bénéficier du déploiement du même type d’intervention.»
En 2015, Jan Jambon (N-VA) disait activer ce plan pour «nettoyer» Molenbeek. Un terme réutilisé par le président du MR, Georges-Louis Bouchez, ce mardi. En deux ans, le plan canal aurait mené à la saisie de grosses quantités de drogues et la fermeture de 26 organisations «sociétés et ASBL fantômes» liées au terrorisme, écrit Bx1 ce mardi.
La justice, sous l’impulsion de Julien Moinil, active d’autres moyens. Le procureur du roi de Bruxelles annonçait jeudi matin sur La Première que cinq magistrats seraient désormais inscrits dans une section «avoirs criminels». L’objectif, c’est de faire mal au portefeuille des la tête des narcotrafiquants, assume Julien Moinil au Vif. L’un des suspects de la fusillade de ce mercredi aurait été arrêté ce jeudi en fin d’après-midi, selon RTL.