Près de la moitié de la population mondiale est appelée à voter au cours de l’année 2024. Septante pays, dont la Belgique, l’Union européenne, la Russie et les Etats-Unis installeront ou renouveleront leurs pouvoirs exécutif et législatif. Même si pour certains d’entre eux, l’incertitude sur le résultat est nulle (on sait que Poutine restera à la tête de la Russie), les conséquences économiques de ces élections seront importantes.
La théorie des cycles électoraux analyse le lien entre échéance électorale et politique économique. Les conséquences économiques des élections couvrent principalement le domaine budgétaire car, dans de nombreux Etats, la politique monétaire a été rendue indépendante des décisions politiques, comme c’est le cas en Europe avec la Banque centrale européenne. Les hypothèses de base de la théorie des cycles électoraux furent mises en exergue par William Nordhaus, en 1975. Elles considèrent, dans un premier temps, que les partis politiques sont opportunistes, c’est-à-dire que leur unique objectif consiste à remporter les prochaines élections. La deuxième hypothèse assure que les électeurs sont amnésiques. Ils ne se souviennent au moment du vote que de la situation économique et des promesses faites au cours de la période électorale. Tout ce qui précède est oublié, et n’intervient que de façon marginale dans la désignation des élus.
Il résulte de ces hypothèses que les déficits publics tendent à se creuser avant l’appel à se rendre aux urnes alors que les politiques budgétaires deviennent restrictives une fois le nouvel exécutif installé. Ce cycle budgétaire est confirmé dans de nombreuses études empiriques récentes pour toutes les démocraties comme la Belgique et tend même à s’amplifier pour celles qui sont plus nouvelles. De même, ce processus donne un avantage électoral aux gouvernements en place, qui ont entre les mains la politique budgétaire, alors que les oppositions ne peuvent faire que la critiquer.
Il découle aussi de ce cycle électoral que les réformes structurelles souvent impopulaires, en particulier celles associées aux dépenses ou recettes publiques, ne sont la plupart du temps pas prises les mois – voire l’année – précédant les élections. Elles sont reportées et laissées au nouveau pouvoir exécutif, alors que leur mise en place aurait été nécessaire plus rapidement. Ce report se solde généralement par un double coût: une aggravation du déséquilibre et la nécessité de la mise en place de réformes de plus grande ampleur.
Les cycles politiques peuvent, par conséquent, aller à l’encontre de l’optimalité économique en matière de budget. Cette confrontation explique en particulier pourquoi les politiques de stabilisation, qui auraient dû être prises une fois la crise du Covid passée, ne l’ont pas été et ne le seront pas en 2024. Le montant de la dette se maintiendra ainsi à des niveaux élevés et potentiellement insoutenables dans certains pays. Une fois les bulletins dépouillés, les électeurs doivent s’attendre à de nombreux ajustements et aux réformes nécessaires afin de rétablir l’équilibre économique.