Report de dossiers à très long terme, avis du ministère public devant le Tribunal de l’Application des Peines (TAP) mis en attente, demandes de constitution de partie civile devant les juges d’instruction décalées… La vague d’actions radicales des instances judiciaires ne font pas forcément l’unanimité au palais de justice de Bruxelles, notamment du côté des avocats, mais aussi de certains magistrats.
La justice à la carte qui se dessine pour les prochaines semaines dans les salles d’audience du palais de justice de Bruxelles, en réaction à la réforme des pensions des magistrats annoncée par le gouvernement fédéral, en laisse certains perplexes. Si la plupart des acteurs de justice sont d’accord avec l’intérêt du combat des magistrats, tous ne sont pas forcément d’accord avec les mesures concrètes, parfois radicales, qui sont prises, parce qu’elles impactent avant tout les citoyens.
« Sur le fond, les magistrats ont raison, le sous-financement structurel de la justice et le manque de considération pour ses acteurs impactent l’État de droit et ils ne peuvent continuer à le porter à bout de bras, face à des gouvernements successifs qui semblent ne jamais prendre la mesure du problème », a communiqué la bâtonnière de l’Ordre francophone du Barreau de Bruxelles, Marie Dupont.
« Sur la forme, on peut regretter que ce soit à l’occasion de la réforme des pensions que la magistrature se mobilise enfin pour dénoncer publiquement l’inacceptable affaiblissement du pouvoir judiciaire. On ne peut également que déplorer que les justiciables soient pris en otage, alors qu’ils doivent déjà faire face à un système judiciaire asphyxié et à d’inacceptables délais de traitement de leur dossier », a-t-elle ajouté.
Report à long terme
À la sortie d’une audience du tribunal correctionnel lundi, où une petite dizaine d’affaires ont été expédiées à près d’un an, les réactions des avocats se sont fait entendre. « Certaines personnes dont l’affaire a été reportée sont détenues. Elles vont devoir attendre encore, en prison, avant d’être fixées sur leur sort. Les victimes attendent aussi peut-être des indemnisations », a notamment déploré une avocate.
Au détour d’un couloir, c’est un magistrat qui n’a pas caché à Belga ses interrogations. Il s’est dit très intrigué du choix du parquet de Bruxelles de ne plus rendre d’avis aux audiences du TAP pour des individus qui demandent des mesures d’aménagement à leur détention. « Ce sont des personnes déjà fragilisées, du fait de leur condition détenue. Pourquoi choisir des actions de protestation qui pénalisent celles-ci ? », s’est-il demandé. « De la même manière, le choix du parquet fédéral de ne plus suspendre la mise à exécution des peines d’emprisonnement, alors que les places dans les prisons sont saturées, je ne comprends pas la logique », a-t-il soufflé.