La célèbre marque américaine avait tenté de contourner les barrières douanières européennes mises en place lors de la première présidence de Trump. La Cour de justice de l’Union (CJUE) vient de la renvoyer (à nouveau) dans les cordes.
Avec Donald Trump bientôt de retour au pouvoir, les États-Unis se dirigent sans doute vers une politique commerciale plus protectionniste que jamais, si tant est que le nouveau président applique la promesse du candidat. Il y a à cet égard assez peu de suspens: les droits de douane devraient augmenter drastiquement, notamment pour la Chine, dont Trump juge les pratiques commerciales déloyales (il n’est pas le seul).
Mais cette politique protectionniste toucherait également, quoique dans une moindre mesure, l’Union européenne, comme cela avait été le cas lors du premier mandat du milliardaire. Pour rappel, lors de son précédant exercice Trump avait fait instituer des droits de douane additionnels de 25 % et de 10 % sur les importations d’acier et d’aluminium.
Harley-Davidson se rebiffe
En réponse, la Commission avait adopté, courant 2018, un règlement prévoyant l’application de droits de douane additionnels sur l’importation de produits originaires des États-Unis. Ce qui avait conduit certaines entreprises américaines à tenter de contourner ces nouvelles taxes.
Parmi ces entreprises, l’emblématique Harley-Davidson avait transféré sa production destinée au marché européen des États-Unis vers la Thaïlande, continuant à importer, via la Belgique, certaines catégories de motocycles. Le tout en s’appuyant sur une entreprise logistique sise à Vilvorde, Neovia Logistics Services International. Le but? Effacer l’origine américaine des bécanes en jouant sur le règlement européen et sur l’interprétation faite par les États membres (en l’occurrence, la Belgique).
Harley-Davidson est le symbole même de la moto américaine depuis au moins le film Easy rider. Mais une Harley-Davidson provenant de Thaïlande est‑elle encore une moto américaine?
Ce stratagème a bien failli fonctionner, la Belgique ayant, dans un premier temps, distribué sans sourcillier des autorisations dites «RCO» (renseignement contraignant en matière d’origine). Lesquelles avaient momentanément permis à Harley-Davidson d’échapper à ces nouvelles — et conséquentes —taxes douanières. Et malgré l’opposition de la Commission, qui a rapidement demandé à la Belgique de révoquer ces autorisations, le débat a fait rage, les autorités belges envoyant même paître la Commission courant 2020. Si bien qu’il fallut le lancement d’une procédure formelle et l’avis — tacite ou exprimé — de l’ensemble des États membres pour trancher ce débat. Bilan: seulement quatre États s’opposaient au point de vue de la Commission, laquelle a fini par attaquer les décisions belges en mars 2021, la forçant à révoquer ses autorisations «RCO».
Easy rider
La suite de l’histoire s’est réglée devant la Cour de justice européenne (CJUE), Harley-Davidson tentant, dès juin 2021, de faire annuler ces révocations de «RCO», sans succès. La CJUE a rendu une première décision courant 2023 donnant raison la Commission, puis une seconde, fin novembre de cette année, suite au pourvoi de l’entreprise américaine et son «partenaire» logistique.
«Harley-Davidson est le symbole même de la moto américaine depuis au moins le film Easy rider. Mais une Harley-Davidson provenant de Thaïlande est‑elle encore une moto américaine ?», résumait en novembre dernier, dans ses conclusions, Juliane Kokott, l’avocate générale à la CJUE en posant les choses ainsi: «Cela peut surprendre, mais c’est en définitive la thèse de la Commission européenne, que conteste vivement Harley‑Davidson dans la présente affaire». Une thèse manifestement validée par la Cour. Avant de nouvelles passes d’armes juridico-commerciales de part et d’autre de l’Atlantique?