En 2024, quelque 25% des nouveaux enseignants en Fédération Wallonie-Bruxelles n’avaient aucune compétence précise. Un chiffre qui a plus que doublé en l’espace de huit ans.
C’est un nouveau signe inquiétant de la pénurie grandissante de profs en Fédération Wallonie-Bruxelles: en 2024, un enseignant sur quatre qui est entré dans le métier ne disposait d’aucune compétence disciplinaire ou pédagogique précise, montrent des chiffres récents de l’administration consultés par l’agence Belga.
En l’espace de huit ans, le nombre de ces enseignants primo-recrutés dits « non listés » -car ne disposant pas d’un diplôme certifiant une compétence disciplinaire ou pédagogique en lien plus ou moins direct avec la mission à exercer- a plus que doublé, passant de 10% en 2016 à 25% en 2024.
En Fédération Wallonie-Bruxelles, l’octroi des emplois dans l’enseignement est réglementé depuis 2016 par le décret Titres et Fonctions. Celui-ci définit les règles de priorité pour l’attribution des emplois vacants.
Dans cette logique, un poste de prof sera donné en priorité à un candidat disposant du titre dit « requis ». Ainsi, à titre d’exemple, des heures de mathématiques dans le secondaire seront attribuées de préférence à un candidat disposant d’un master en mathématiques et de l’agrégation.
De 10 à 25% en 8 ans
Si aucun candidat avec ce profil n’est disponible, la fonction ira alors à un candidat disposant d’un titre dit « suffisant », par exemple un master en physique pour donner ce cours de maths.
Si aucun candidat avec un titre requis ou suffisant ne peut être trouvé, la législation prévoit alors d’attribuer le job à un candidat disposant d’un titre dit « de pénurie », c’est-à-dire ne comptant qu’une composante disciplinaire « minimale » avec la matière à enseigner.
Enfin, si aucun candidat ne peut être trouvé, l’emploi à pourvoir pourra alors en désespoir de cause être attribué à un candidat dit « non listé », c’est-à-dire sans diplôme en lien avec la matière à enseigner ou la pédagogie.
Selon les chiffres de l’administration, en 2024, seuls 53% des nouveaux profs dans l’enseignement (tous types et niveaux confondus) disposaient du titre requis. Un chiffre en déclin constant: en 2016, les « titres requis » comptaient en effet encore pour 71% des primo-recrutés en FWB.
Le nombre de « titres suffisants » est lui plus ou moins stable, oscillant entre 10 et 12%. En revanche, les « titres de pénurie » sont, eux passés de 8% à 11% entre 2016 et 2024, tandis que la proportion de « non listés » a explosé, passant de 10 à 25% sur cette même période.
La priorité numéro 1
Du côté du cabinet de la ministre de l’Education Valérie Glatigny (MR), on évitait de trop s’épancher sur ces nouvelles statistiques inquiétantes: « Nous sommes tous bien au courant que nous faisons face à une pénurie d’enseignants ».
C’est d’ailleurs pour tenter d’y remédier que le gouvernement a décidé en janvier de lancer des groupes de travail avec les acteurs du secteur pour améliorer l’attractivité du métier, y rappelle-t-on.
Le nouveau gouvernement MR-Engagés a fait de la lutte contre la pénurie d’enseignants sa « priorité politique numéro 1 » pour la législature. Dans ce but, il a déjà adopté une série de mesures, comme l’extension du pool d’enseignants remplaçants lancé sous la précédente législature, une meilleure valorisation de l’ancienneté pour les enseignants de seconde carrière ou encore la possibilité pour les enseignants retraités de continuer à enseigner sur base volontaire, etc.
En conflit depuis des années avec les gouvernements successifs, les syndicats enseignants attribuent, eux, cette désaffection du métier à la dégradation générale des conditions de travail, la surcharge administrative qui pèse sur les profs, ou encore des classes surpeuplées.
Pour les syndicats, la volonté de la nouvelle majorité MR-Engagés de mettre fin à la staturisation des enseignants ne fera qu’aggraver la pénurie actuelle. Le gouvernement assure au contraire que l’octroi rapide de contrats à durée indéterminée aux nouveaux profs permettra de les maintenir dans le métier.