Le nombre de dossiers ouverts par Unia pour discriminations liées à des faits de racisme a un peu diminué en 2023. Les faits restent préoccupants. C’est surtout dans le milieu du travail que cette discrimination opère.
L’an dernier, Unia, l’organisme public en charge de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité, a ouvert 670 dossiers de discriminations en lien avec des critères dits raciaux. En 2022, il en avait enregistré 718 et en 2021, 897. Un chiffre qui reste impressionnant, alors que se célèbre, ce 21 mars, la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale.
Sur ces 670 dossiers de 2023, 200 concernaient le domaine de l’emploi (contre 158 en 2022 et 152 en 2021). «Ce sont surtout les tendances qui sont intéressantes, souligne Patrick Charlier, directeur de Unia. Or, les discriminations pour critères dits raciaux sont toujours en tête dans notre bilan.»
En matière de discrimination sur le marché du travail, ce sont surtout des faits survenus en entreprise qui ont mené à l’ouverture d’un dossier. Autrement dit, des difficultés entre les collègues, la direction ou les clients et le personnel d’origine étrangère occupant la fonction. «Dans ce qui s’apparente à du harcèlement, citons par exemple un contrat à durée déterminée qui n’est pas prolongé pour des personnes d’origine étrangère alors que toutes leurs évaluations sont positives. Ou des insultes proférées à leur encontre, du fait de leur couleur de peau, sans que le service en charge du personnel ne réagisse». On observe aussi, toujours sur le marché du travail, qu’à diplôme égal, un individu d’origine africaine mettra un an à décrocher un emploi alors qu’un Belge sera engagé au bout de trois mois.
Certains secteurs d’activités, confrontés à des pénuries de main d’œuvre, n’ont pourtant pas intérêt à se priver de renforts en personnel. «On y observe en effet moins de discrimination, constate Patrick Charlier. Mais ce n’est pas parce que ces secteurs engagent plus de personnes d’origine étrangère que tout se passe bien pour elles une fois qu’elles y entrent».
Pour tenter de circonscrire ce phénomène discriminatoire, Unia propose d’agir en amont. L’institut incite ainsi les employeurs à adopter des plans globaux de prévention et d’analyses de risques. Concrètement, toute entreprise devrait disposer d’une procédure de signalement interne permettant de réagir vite et bien en cas de situation à risque. Pour l’heure, de tels plans ne sont pas légalement obligatoires, ce que Unia regrette.
L’intelligence artificielle pourrait aussi se révéler utile dans ce combat. En comparant, par exemple, la composition du personnel d’une entreprise à la composition moyenne des travailleurs du secteur, les inspecteurs du travail pourraient repérer des anomalies et cibler les entreprises épinglées via des contrôles mystères. «Cela permettrait de mettre en exergue des biais systématiques et des processus potentiellement discriminatoires, relève Patrick Charlier. Le but serait de faire évoluer leurs pratiques de ces entreprises, par exemple en mettant en place des mécanismes de discrimination positive.»
CV pas mauvais. Mais vérifier si noire ou âge”
Actuellement, en cas de discrimination avérée, la loi prévoit un dédommagement moral, pour la victime, qui peut atteindre l’équivalent de six mois de salaire brut. En 2022, Natali T., qui avait postulé pour une fonction d’employée administrative, a par erreur reçu un échange de mails entre deux recruteurs de l’entreprise dans laquelle elle s’était portée candidate. «CV pas mauvais, y était-il écrit. Mais vérifier si noire et/ou âge».