Dès le 1er juillet, la TVA sur l’installation d’une chaudière à combustible fossile (mazout, gaz…) passera de 6 à 21%. Sous couvert d’écoresponsabilité, la mesure portée par la N-VA aurait-elle des allures communautaires? Les ménages wallons risquent de trinquer davantage, s’inquiète le PS.
Il faut (un peu) chercher pour le trouver, mais l’accord de gouvernement comprend bel et bien un chapitre consacré à l’environnement. La nonante-septième page du texte confirme les ambitions de l’Arizona en la matière: la neutralité climatique devra devenir réalité d’ici à 2050. Pour y parvenir, l’exécutif mise notamment sur sa politique énergétique, en réduisant progressivement sa dépendance aux combustibles fossiles. Et tout le monde devra mettre la main à la pâte. Citoyens compris.
Pour dissuader les ménages de recourir aux énergies polluantes, l’équipe De Wever modifie les règles du jeu fiscal. A commencer par la TVA sur les systèmes de chauffage. Dès le 1er juillet, le taux passera ainsi de 6 à 21% pour l’installation d’une nouvelle chaudière à combustible fossile (mazout, gaz, etc.). Selon les précisions apportées début avril par le ministre des Finances Jan Jambon (N-VA), la mesure visera la rénovation des habitations de plus de 10 ans –les plus récentes étant déjà soumises à cette taxation de 21%– et s’appliquera également dans le cadre d’une démolition-reconstruction.
750 euros de plus
Détail supplémentaire: la TVA majorée concernera tant la fourniture de la chaudière (et les éléments intrinsèques qui la constituent), que les travaux de fixation de cette dernière et ceux liés à l’enlèvement de l’ancienne installation. En contre-partie, l’Arizona promet de baisser la TVA sur l’installation de pompes à chaleur (de 21 à 6%), sans préciser cette fois la date d’entrée en vigueur de la mesure.
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Si ces nouvelles règlementations semblent aller dans la bonne direction sur le plan écologique, elles risquent toutefois de pénaliser les plus précaires. Les chaudières à mazout restent en effet le système de chauffage le plus intéressant financièrement aujourd’hui. Plus abordable à l’achat et à l’entretien, elles nécessitent également un combustible moins onéreux (d’ailleurs actuellement en chute libre sur les marchés). Selon les estimations d’Engie, installer une nouvelle chaudière coûtera 750 euros de plus sous le nouveau régime. Une chaudière classique vendue aujourd’hui à 5.300 euros TTC passera ainsi à 6.050 euros au 1er juillet. De quoi encourager certains ménages à se tourner vers d’autres types de chauffage? Alors que l’investissement dans une pompe à chaleur se chiffre aujourd’hui entre 6.000 et 18.000 euros selon le modèle (air-air, air-eau…), la question peut se poser. Mais pas pour toutes les bourses.
«Un dossier communautaire»
«Des tas de citoyens sont tout bonnement dans l’incapacitié financière d’opter pour une pompe à chaleur, dénonce Patrick Prévot, député PS à la Chambre. C’est une réalité qu’on doit pouvoir entendre.» Des impératifs techniques rendent en outre cette installation impossible dans certains habitations (espace insuffisant, isolation trop médiocre…), rappelle le socialiste, qui regrette une «politique fiscale punitive» dont les Wallons seront «les premiers à faire les frais». En effet, selon le SPW, le sud du pays dénombrait environ 687.500 chaudières au mazout en 2023, soit environ un ménage sur deux. Une réalité bien différente de la Flandre, qui a interdit leur installation en 2022 (sauf exception). «J’y vois donc un dossier communautaire, insiste Patrick Prévot. C’est très facile pour Jan Jambon de porter cette mesure, car elle n’est pas aussi impopulaire auprès de ses électeurs. Une nouvelle fois, je ne peux que déplorer l’endormissement des négociateurs francophones de l’Arizona qui, en plus, n’ont prévu aucune mesure compensatoire pour les ménages.» Nuance de taille: le nord du pays reste, lui, très dépendant des chaudières au gaz, également visées par la mesure. Les portefeuilles flamands ne seront donc sans doute pas épargnés.
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Au-delà de l’absence de soutien financier aux citoyens impactés, c’est également la justification «environnementale» avancée par l’Arizona qui fait bondir le député socialiste. «Ce gouvernement n’a aucune ambition climatique, sauf quand ça l’arrange sur le plan budgétaire, fustige Patrick Prévot. Alors que la N-VA se fout comme de sa première culotte du défi climatique et comporte même en son sein des membres qui frôlent parfois le climatosceptiscime, vouloir donner un petit coup de peinture verte sur sa façade me paraît insolent.»
L’interdiction reportée en Wallonie
Une vision partagée par Sarah Schlitz (Ecolo), qui regrette une «mesurette» qui va faire payer les citoyens pour des «choix qui ne sont pas les bons». «Jouer sur la TVA, ce n’est pas un bon signal, déplore l’ex-secrétaire d’Etat. C’est la taxe la plus injuste socialement, car elle s’applique de la même manière à tous, quels que soient leurs revenus. Ce n’est pas notre vision de la transition climatique.» L’écologiste déplore en outre l’absence de cap clair dressé par les différents gouvernements, y compris à l’échelle régionale. Sous la législature précédente, la Wallonie prévoyait en effet d’interdire l’installation d’appareils de chauffage au mazout et au charbon dans son Plan Air Climat Energie (PACE). La mesure devait entrer en vigueur en mars 2025 pour les bâtiments neufs, et au 1er janvier 2026 pour les bâtiments existants en cas de remplacement d’une ancienne installation. Une implémentation reportée par la coalition Azur. «Aujourd’hui, tout le monde est paumé, regrette Sarah Schlitz. Or, on a besoin d’un plan défini et ambitieux, et pas de mesures à la petite semaine. C’est aussi ça qu’attendent les citoyens qui rénovent.»
De son côté, le cabinet de la ministre wallonne de l’Energie Cécile Neven (MR) rappelle que le PACE ne donnait que des lignes directrices, sans valeur juridique contraignante. Le cabinet précise travailler sur un «cadre praticable, qui produira des effets sans perdre l’adhésion des citoyens». La mesure sur les bâtiments neufs devrait faire l’objet d’un «léger» report, tandis que celle sur les bâtiments existants occupe actuellement les équipes de la ministre et l’administration, «en concertation avec les parties prenantes». Des alternatives et des mesures d’accompagnement sont également étudiées.
La TVA sur les chaudières à mazout bientôt revue à la hausse: les Wallons, dindons de la farce? appeared first on Le Vif.